mercredi 29 juillet 2009

Achèvement

Au cours de nos derniers jours à Ijely nous avons fait deux déplacements remarquables.

Une incursion en profondeur dans la brousse sur des pistes difficiles - acrobatiques même pour le 4x4 - en direction du lac Itasy, au-delà de Manazary. Nous étions accompagnés de deux religieuses malgaches de l'Immaculée (de Niort) et de quatre jeunes étudiants en médecine au seuil de leur internat à Poitiers, qui ont passé quelques semaines à Miarinarivo et Antsirabé dans les établissements hospitaliers. La "promenade" avait deux buts principaux : un tombeau royal sur une colline au bord du grand lac, et un camp pénal en rase brousse, lieu semi-ouvert de travaux forcés pour condamnés. Ce fut aussi un coup d'oeil sur les réalités des conditions de vie loin des axes de circulation, l'isolement des populations concernées, les enfants loin des écoles, la vie en autarcie dans la précarité sanitaire et économique...


Deux jours plus tard nous avons fait le déplacement à Mandiavato, localité proche de Miarinarivo (environ 30 km, dont 18 de piste qui demandent plus de trois-quarts d'heure en saison sèche aux taxis-brousse qui s'y risquent) où il y a quelques années des soeurs malgaches d'une congrégation italienne ("orionistes") ont repris et developpé une école devenue aussi collège. Il y a deux ans nous avions eu en formation un professeur de maths et un de physique. Les deux sont partis il y a un an, celui de physique emportant tout le matériel qui lui avait été remis pour le laboratoire du collège...Dans le véhicule nous avions mis les caisses de livres (un dizaine), arrivées par le conteneur parti de la Roche début janvier 2008, qui attendaient à Ijely depuis un an environ.

Là encore nous vu "de la belle ouvrage", avec des locaux scolaires en partie récents et de bonne facture.


Mais nous avons aussi touché du doigt la difficulté de convaincre des enseignants à venir se mettre au service des enfants et jeunes dans ces zones relativement reculées, et y rester.


Puis, après des aléas typiquement malgaches, nous avons eu la visite à Ijely du Père Maurice accompagné de Bernard Pineau et de sa fille Valérie, fraîchement descendus de leur avion, en route vers Fianarantsoa. Nous avons entamé avec eux notre voyage retour pour le premier morceau : Ijely - Antananarivo, soit deux bonnes heures. Le reste du voyage s'est passé sans histoire : une nuit à Tana, vol Ivato - Orly, nuit à Athis-Mons, TGV jusqu'à Nantes et TER pour finir.


Merci à François venu nous cueillir (accueillir aussi) à la gare yonnaise, et à Nathalie qui nous avait préparé un bon déjeuner : sans riz !









jeudi 16 juillet 2009

KABARY


Le 10 juillet s'est trouvé être le dernier jour de rencontre pour les stagiaires d'Ijely. Deux groupes ont fonctionné sur les deux semaines : celui du matin, les instituteurs des écoles primaires de brousse dépendant du district (paroisse) d'Ambotitanimena, environ vingt-cinq personnes, et le groupe de l'école-collège d'Ijely, une bonne quinzaine de personnes, fonctionnant l'après-midi.
Pour l'essentiel ce fut du travail sur l'expression en français, avec des incursions pour quelques uns vers l'informatique ou la physique.

Comme partout, mais plus particulièrement à Madagascar, la fin ne se conçoit pas sans « cérémonie ». Discours et cadeaux font partie du rituel, ainsi que le rafraîchissement. Chants et danses peuvent aussi agrémenter ce moment où une certaine tristesse pourrait prendre le dessus.

Ainsi nous avons eu droit à deux séances de clôture pour l'activité officielle conduite ici à Ijely.

A titre d'illustration voici les quelques mots de Jeannette (privilège de l'âge, ce fut à elle de parler au groupe des instituteurs de brousse), qui expriment bien l'état d'esprit d'une « nouvelle » à Madagascar :

« Notre séjour se termine, le coeur un peu « serré ».
Après l'appréhension du début, un premier contact avec les enseignants d'Ijely et ceux de la brousse, tout est devenu facile : l'accueil chaleureux des Malgaches, l'envie de bien parler le français, les discussions enrichissantes sur nos deux pays, le partage de nos cultures et des temps de prière.
C'est donc avec beaucoup de regret et d'émotion que nous quittons Ijely, mais avec l'espoir (qui sait ?) d'y revenir un jour... »

Chantal de son côté précisera :
« Arrivés à Mada, ce qui frappe d'abord, c'est le paysage, le rouge, le vert, et le ciel bleu sans nuages. Puis les chemins façonnés par les taxis, les vélos … et les pieds ! Enfin on voit ces hommes, ces femmes, ces enfants, souriants, et accueillants au vazaha de passage. »

Comme on le constate une fois plus, Madagascar, physiquement et humainement conserve un pouvoir de séduction, et les soubresauts politiques n'y changent rien.

Depuis Martine, Jeannette et Chantal ont rejoint Mahajanga pour une autre tranche de leur voyage.

mardi 7 juillet 2009

"Deux-Chevaux" et Mono-zébu...

Nous sommes depuis une semaine au Centre Salésien Don Bosco d'Ijely, un lieu-dit situé à quelques kilomètres de la capitale de la Région Itasy, l'une des 22 qui se partagent le territoire malgache.


Les choses suivent leurs cours normalement, avec les impondérables malgaches.Nous sommes retournés brièvement à Tana pour accueillir Martine, arrivée samedi en fin de matinée de Paris par le vol Corsair.


Plutôt que de vous narrer le quotidien de la vie et des activités qui sont les nôtres à Ijely, je choisis un thème bien particulier : tout ce qui roule à Tana - il est facile de l'étendre à toute la
Grande Ile, mais avec des particularités locales.


L'observation des véhicules empruntant les voies de la capitale est un spectacle fascinant.S'agissant des matériels automobiles, ce qui frappe peut-être en premier, c'est le côté "conservatoire" de l'endroit. Mais pas le musée où dorment dans la naphtaline les modèles d'antan. Un musée animé. Par exemple beaucoup de taxis sont des « deux-chevaux » - souvent "customisées" avec des enjoliveurs de roue, et surtout avec un toit métallique à la place de la toile d'origine - et des 4L. Bien sûr il y a des véhicules récents, comme taxis ou voitures particulières, et quelques 4x4. Globalement le parc "véhicules légers" a 20, 30 ans et plus...Leurs propriétaires doivent faire preuve d'ingéniosité et de patience pour les maintenir en état de rouler. Sur les marchés "fixes" on voit d'invraisemblables tas de pièces détachées provenant de démontages, et les échoppes "collage Ferodo" - entendre "réfection d'embrayage" - abondent. Il y a aussi de vrais garages et des concessions.

Et vous pouvez vous offrir tous les jours pour pas cher (point de vue vazah !)tous vos déplacements urbains en Mercedes ! A Tana, en effet, la quasi-totalité des minibus chargés des transports collectifs, sont de marque Mercedes. Parfois on voit aussi rouler des vestiges, genre petit camion Renault des années cinquante aménagé pour le transport des passagers.


A Tana le chargement des passagers se fait par l'arrière, là où officie le rabatteur-receveur. Tous les passagers doivent être assis, ou donner à la police l'impression de l'être. Imaginez ce que cela donne cinq adultes de front dans le minibus, la personne du milieu assise sur un tronçon de planche (de palette) reposant par ses extrémités sur les deux banquettes latérales pas assez larges pour deux personnes de corpulence moyenne. Nous avons souvent voyagé ainsi à Mahajanga où la loi est la même. Ca tient chaud ! Qui dira que nous n'avons pas éprouvé certaines conditions de vie des Malgaches de base ?

La traction animale est peu présente dans les rues de la ville. Mais on la remarque en périphérie, notamment sur les itinéraires de dégagement créés depuis quelques années. La charrette des hauts-plateaux, avec sa toile caravane du far-west, tirée par deux zébus, s'arrête souvent aux "portes" de la ville où aboutissent les grandes routes : RN1 vers Miarinarivo, RN4 vers Mahajanga, RN7 vers Antsirabe...Une curiosité aussi à Tana : la charrette mono-zébu (dans le nord aussi paraî-t-il). On voit beaucoup de transports de sable et de briques utilisant les attelages de zébus. Et ne pas oublier que Tana est constitué d'un groupe de collines séparées par d'anciens marécages devenus des rizières et aussi d'une foule de sites d'extraction de terre ou d'argile pour mouler des briques, cuites sur place en d'imposants faux édifices, avant d'être proposées à la vente. Les zébus broutent les souvenirs de paille riz...


Je passe sur les vélos – de moins en moins rutilants, les scooters – solution aux embouteillages fréquents – beaucoup plus nombreux que les petites motos chinoises (ce n'est pas le Bénin ou le Congo-B!)- mais je signale l'absence remarquable des « pousses » en ville. Les seuls que nous
ayons remarqués ont été vus près de l'aéroport d'Ivato, soit à « 15 km » de Tana Centre.
Par contre, si la « traction humaine » est absente dans le transport des personnes, elle surabonde dans le transport de matériaux et marchandises divers : matériaux de construction (bois, fer à béton, sable, briques, ciment, tôles), charbon de bois, bidons vides en échafaudages impressionnants, bidons plus rares s'ils sont pleins (eau ou huile), sacs de riz, chaumes pour les toits, fruits et légumes, matelas en mousse, meubles divers, boissons en bouteilles...Il y a dix ans on voyait ces transports effectués sur des « chassis » comparables aux pousses pour personne principalement. Maintenant ce matériel roulant est devenu rare. Il a trouvé un successeur dans ce qu'on peut appeler une charrette à bras : une caisse à structure métallique sur un essieu de provenance automobile, avec un double timon terminé en U. La plupart du temps la locomotion est assurée par deux personnes (jamais des femmes), l'une tire, l'autre pousse. Il faut dire qu'on devine des chargements de plusieurs centaines de kilogrammes, et il y a des rues très pentues à Tana qui nécessitent encore des renforts ponctuels.

La brouette est rarement dans la rue. Mais il y a un nombre considérable de petites plate-formes sur trois ou quatre « roues », souvent pourvues d'une direction et d'un frein.Ordinairement c'est du bricolage : deux ficelles pour la direction – ou parfois un volant en fer à béton, des roues pleines en bois sur lesquelles on a cloué des morceaux de vieux pneus. Parfois les roues sont remplacées par des roulements à billes dont la bague extérieure est en contact direct avec le sol. On assiste là à un concours d'astuces. La taille des plate-formes varie, de l'ordre du mètre-carré, et de plus petites sont utilisée à l'occasion comme distraction par les enfants. Mais la plupart du temps c'est un transport utile : eau, marchandises diverses... On voit trop souvent des hommes d'âge indéfinissable, aux pauvres vêtements et pieds nus, pousser devant eux ce genre de fardier brinquebalant, avec une charge marchande sans doute peu rémunératrice.

Ce recours assez massif à l'effort physique humain interroge le visiteur. Certes il y a de bons côtés : pas d'émission nuisible dans l'atmosphère, emplois nombreux. Mais pour quelle qualité de vie, quelle perspective pour une vie améliorée ? Cette part excessive de l'effort physique rappelle les conditions qui ont permis le développement de l'esclavage.

Pour une part les charrettes à bras causent les embarras de la circulation à Tana. Les rues sont plutôt étroites, les voitures sont parfois obligées d'aller au pas de ceux qui ahanent, suent et soufflent, très concentrés sur leurs efforts.


Il n'y a pas de doute : éléphant, chameau, buffle, cheval, boeuf, âne, yak, lama, zébu, leur domestication a été un grand progrès.